La mer monte, créant des problématiques nouvelles pour les habitants et les élus des territoires littoraux. Dans l’Aude, cette réalité est à l’origine d’un vaste programme d’études du SMDA sur les aléas côtiers. Il s’agit à la fois de mieux comprendre le phénomène et d’engager une réflexion sur les stratégies politiques à adopter. Faut-il se protéger ? Se déplacer ? C’est pour commencer à réfléchir à la question que des élus du littoral audois se sont déplacés dans l’Hérault dont la côte est grignotée depuis longtemps par l’érosion. 

#LaGrandeMotte

Et nous commençons ce périple par La Grande Motte où des élus nous exposent le projet d’extension de port – de restructuration en fait – qu’ils portent depuis 10 ans et dont le coût est estimé à 117 millions. 45 min de diapositives et d’explications dans lesquels les mots “mer”, “changement climatique”, “montée des eaux”, “érosion” ou “tempête” ne sont pas prononcés une seule fois. 

Le situation est si ubuesque qu’elle déclenche une vague de questions chez les élus audois, et pour une fois, pas seulement chez les écolos. La réponse des représentants de La Grande Motte n’en est que plus frappante : “La Grande Motte n’est pas touchée par ces phénomènes. Ces travaux concernent des parties de la ville à 2,4 mètres au-dessus de la mer. Et nos projections montrent que nous ne serons pas touchés avant 2050.” Bref, circulez, il n’y a rien à voir ici !

Ainsi, même si le phénomène de la montée des eaux n’est plus à prouver, certains politiques n’en continuent pas moins de vivre dans le déni et de pousser des projets d’un autre temps. 

#Carnon

Nous arrivons ensuite sur une plage de sable fin. D’un côté, la plage étroite entourée de ganivelles qui retiennent le sable, créant un espace “nature” ; de l’autre, des maisons estimées à 1 million d’euros pièce. 

Si, à la Grande Motte, la plage accumule du sable (pour le moment en tout cas), à Carnon (la plage des Montpelliérains), elle s’érode rapidement. Un processus lié aux digues qui modifient les afflux de sédiments, et à l’urbanisation qui, avec la mission Racine, a fixé artificiellement un littoral très mouvant.

Pour enrayer le phénomène, les élus du secteur ont décidé de réduire les voies d’accès à la plage, de créer des sentiers écologiques et d’interdire les voitures qui fragilisaient la dune : “On a alors beaucoup gagné au niveau du cadre. Il faut s’imaginer que l’été, ici, 1 million de touristes fréquentent notre plage ! »

La plage a, en outre, été amendée de sable, grâce à des travaux pharaoniques. Une drague hollandaise a aspiré 1 million de m3  de sable sur la flèche sous-marine de la pointe de l’Espiguette pour le déposer sur 10 km de plage (plages Petit Travers, Carnon, Palavas et le Grau du Roi).

L’érosion s’est alors ralentie mais pas à la hauteur de ce qu’ils espéraient. En quelques années, le sable déposé est reparti en mer… alors que la mairie continue de payer chaque année 120 000 euros pour rembourser l’emprunt contracté pour financer cette action. De quoi laisser un goût amer au maire qui pose la question du coût/bénéfice de ce type de solutions.

Faute de mieux, une nouvelle stratégie, de plus petite envergure, va être testée, avec l’installation de trois épis dégressifs pour retenir le sable sur un tronçon, là où s’alignent des résidences qui se vendent aujourd’hui encore à prix d’or. “Mais on ne pourra pas travailler contre la mer éternellement,” admet le maire qui se questionne sur la mise en oeuvre du repli.   

#Sète #Marseillan

Autour de la table d’orientation, la vue est spectaculaire : à l’horizon, une étroite bande de terre entre la mer et l’étang de Thau sur laquelle on devine une forte emprise humaine. « Sur ce lido, explique le maire de Marseillan, la route était régulièrement arrachée par la mer et rebitumée. Nous avons donc décidé de la reculer pour la coller à la voie ferrée pour que les dunes se reconstituent ».

L’opération est réussie : la population est satisfaite (piste cyclable, balade nature dans les dunes…) et le phénomène d’érosion est maîtrisé. Reste que sur le long terme, le site n’échappera pas à la montée des eaux, ce qui amène le maire à s’interroger sur les solutions et les outils qu’il faudra imaginer pour permettre une recomposition spatiale et le déplacement des habitants du littoral dans les terres. Des questions qu’il aborde dans le cadre d’un projet pilote qui s’articulent autour d’ateliers du territoire. 

`#Frontignan

Nous voici maintenant sur les restes crénelés d’une plage à Frontignan, coincée entre la mer et plusieurs rangées de petites maisons. Le sol est dur. A l’horizon, des “T” géants en pierres, séparés de 100 mètres, sortent de l’eau. L’intervenant nous explique que c’est le résultat d’un collectif d’habitants, qui, dans les années 1970, ont réalisé ces ouvrages pour protéger leur plage. En vain. 

Ici, la plage continue de s’éroder à grande vitesse, malgré l’ajout de sables. Des études confirment un risque fort d’inondation… mais qui viendra en premier lieu de l’étang, de l’autre côté du lido. Ici aussi, les habitants sont dans le déni ; le marché immobilier se porte à merveille, les pavillons en bord de mer sont estimés à 400 000 euros. De quoi pointer, s’il le fallait encore, les paradoxes que les élus du littoral ont et auront à gérer pour mettre en oeuvre une pourtant nécessaire transition écologique.  

Sandrine Sirvent et Viviane Thivent


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