Mot du vainqueur de l’étape
Analyse, besoins et propositions pour le quartier St Jean – St Pierre
« EXPLORATION » DE ST JEAN ST PIERRE
Laurent & Magda, vendredi 12 juin 2020
On se retrouve devant la Maison des Services et on commence par faire un tour dans la cité qui se trouve juste derrière. C’est calme, relativement propre, la chaussée un peu défoncée, deux garçons jouent dans la rue, un vieux rêvasse devant une aire de jeux. L’école islamique ( ?) est fermée. Une grand-mère vide une bassine d’eau savonneuse par la fenêtre direct sur le trottoir. Plus tard on essayera de discuter, mais elle ne parle pas français.
On quitte la cité pour aller voir la mini-zone commerciale, à côté de la pépinière. Il y a une pharmacie, un tabac PMU, des cabinets de médecins, une Poste, une boulangerie. Des gars tiennent le mur, apparemment des habitués, ils ont la trentaine +.
On admire l’église, fermée par des rideaux de fer et avec des mauvaises herbes qui poussent tout autour. On dirait un préfabriqué abandonné. On discute avec une mère et sa fille qui se rendent au Leclerc, une des rares attractions à la ronde. Elle n’a pas de voiture, elle vit seule avec ses deux filles, au RSA dans un HLM en mauvais état. « Aude Habitat laisse les logements pourrir ». Il lui manque des activités pour les enfants. Elle ne se rend pas trop au centre-ville. Elle irait bien voter mais n’a pas reçu sa carte électorale. Quand je lui parle des candidatures elle ne semble pas très familière avec les noms, à peine si elle connaît Mouly.
On descend une rue bordée d’un côté par des HLM, de l’autre par des pavillons. Un vieux monsieur passe le balai sur son bout de trottoir. Il vit là depuis un demi-siècle, quand il a acheté la maison il n’y avait rien autour. « Et puis les gris sont arrivés. Ils font la foire avec leurs quads et motos, ils roulent à 100 à l’heure ». L’homme semble amer, il mentionne à plusieurs reprises qu’il paye autant d’impôts fonciers que les habitants de la Mayolle. Alors que lui a les gris à côté, qui se feraient même payer tout leur loyer par la CAF. Cela fait des années qu’il ne s’est pas rendu en centre-ville, il tient mal sur ses jambes. « Que voulez-vous que j’aille faire là-bas ? ».
On poursuit notre tournée et entrons dans la cité Berre Cesse. La place devant l’école Léon Blum, déserte, a un certain charme, mais deux pauvres bancs en métal font face à une marelle peinte à même le sol. Dommage que la placette ne soit pas davantage mise en valeur. On interpelle un habitant qui sort son vélo pour savoir ce qu’il pense de cette placette, s’il aurait des idées pour la valoriser ? « J’ai un jardin derrière la maison donc bon, ça me préoccupe pas vraiment ».
De l’autre côté du centre Yvette Chassagne et des immeubles HLM, un autre monsieur passe le balai sur le trottoir devant son pavillon. Les lauriers roses sont en pleine explosion, ça égaye bien cet univers très minéral. Même histoire que son confrère, mais avec moins d’amertume. « Ils ont rénové la cité il y a quelques années, maintenant les logements sont isolés. Pour nous ça n’a pas changé grand-chose ». Lui se rend parfois en centre-ville pour aller à la banque, mais pas pour se balader ou boire un café. Pour le pain il préfère celui de Géant Casino, il en prend 4 chaque semaine et les congèle.
On traverse la route à hauteur du Cimetière et entrons dans un quartier purement pavillonnaire. Grand calme, personne dans les rues, voitures garées devant les maisons, jardins fleuris. Quelques maisons avec des jardins qui ambitionnent d’être des parcs, on devine des aspirations de châtelains parmi certains habitants. C’est magnifique. Entre les rues on voit des chemins de traverse avec fleurs sauvages et pins, mais dont l’accès est barré par des portails en fer fermés à clé. Visiblement un service d’urbanisme avait imaginé une coulée verte à travers le quartier, mais quelqu’un d’autre a eu une meilleure idée.
Entre deux maisons on aperçoit un haut mur en tôle grise, on dirait une navette spatiale. Deux femmes papotent dans la rue alors on va les voir. Elles nous invitent tout de suite dans le jardin pour voir le désastre de près. Il s’agit du dos de l’énorme Leclerc qui a été construit à pile 3 mètres de leurs jardins. Une aberration. Elles sont en procès depuis 14 ans, ont gagné au tribunal de Narbonne mais Leclerc a fait appel à Montpellier. « Pour construire cette horreur ils ont rasé 4200m2 de pinède, c’était que des arbres sains ». Elles en sont malades.
Après 3h de balade et interactions on cherche un café pour se poser, mais n’en trouvons pas.
Contrairement à Narbonne Plage, où le constat était relativement limpide, on a ici du mal à définir le quartier. Pas de limites précises, on ne sait pas, on ne sent pas quand un secteur commence ou s’arrête. De la même manière, on a du mal à identifier une problématique globale, un axe autour duquel s’organiserait des nœuds à résoudre.
C’est un lieu fuyant, difficile à cerner, peut-être parce qu’il ne se passe pas grand-chose dans la rue, les gens ne font que passer à pied ou en voiture, ou attendent le bus.
On a la sensation que chacun reste chez lui, on investit son espace privé et l’espace public ne sert qu’à se déplacer. Certaines personnes âgées nous parlaient de la Fête des Voisins, si l’un d’eux en prenait l’initiative, sinon ça se limite à Bonjour – Bonsoir.
Le centre-ville paraît trop loin. Les services de bus ont été jugés satisfaisants par ceux qui ont les moyens physiques de se déplacer. Mais plus on vieillit, et / ou avec la naissance des enfants, plus on réduit son rayon d’action. Mon sentiment est que le centre-ville semble lointain aussi parce qu’on ne s’y identifie pas, il manque un sentiment d’appartenance. Eux et nous. Quand on a dit à la mère célibataire que les habitants de Narbonne Plage se sentaient exclus du centre, elle n’en revenait pas. Elle était persuadée qu’ « eux » étaient de la partie.
Je connais encore peu Narbonne, mais j’ai l’impression que c’est une ville très éclatée, un agrégat de villages séparés.
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